COMDAMNES A LA SEDUCTION A PERPETUITE [5]
La première phase de séduction a changé de place dans le déroulement d’une relation. Ce chamboulement, qui a entraîné un décalage entre les attentes et les rythmes, serait-il l'explication des difficultés actuelles ?
Condamné à la séduction à perpétuité oui, mais il y a plusieurs manières de purger sa peine et de profiter de la vie. Le seul souci c’est que nous sommes tous humains et entravés par nos contradictions et notre passé. La spontanéité n’est plus vraiment à la mode et ceux qui s’y essaient se prennent une pelle à un moment ou à un autre. Ils deviennent souvent à leur tour des bourreaux involontaires formant de futurs bourreaux. Autrefois, c’était essentiellement l’enfance qui construisait la personnalité affective d’un adulte, aujourd’hui même les personnes les plus équilibrées peuvent se retrouver à terre parce qu’une histoire leur a fait perdre le sens de leur propre valeur. Certains de ces écueils pourraient être évités si chacun donnait ou recevait le premier baiser que lorsqu’une attirance réelle existe. Vous savez, cette émotion qui ne ressemble à rien et surtout pas à des pensées comme : « Pourquoi pas ? », « et une de plus ! », « peut-être qu’il apprendra à m’aimer ensuite… », « je me sens si seul(e), ça ne peut que me faire du bien », « j’ai envie de vivre un grand amour », « ça m’aidera peut-être à oublier mon ex », « je vais te la faire grimper au rideaux ».
Evidemment ça impliquerait des périodes d’abstinence incompréhensibles aujourd’hui, vu qu’on ne rencontre pas quelqu’un qui nous attire réellement à tous les coins de rue et que le sexe et les câlins se consomment comme n’importe quel produit industrialisé. Il est de bon ton de nos jours de ne pas être totalement imperméable aux rencontres rapides et aux aventures quand on est célibataire. D’ailleurs c’est une des tactiques de séduction qu’ont trouvées les femmes pour essayer de construire un couple. Se donner rapidement, s’attacher l’autre par l’érotisme et la sexualité et espérer que cette intimité permettra ensuite de construire une complicité. Le premier hic c’est que comme ce comportement est en train de se généraliser, les hommes qui le souhaitent n’ont plus qu’à consommer ce qu’on leur offre sur un plateau, puis passer à une autre. Du coup, celles qui sont plutôt pour la progressivité, celles qui ont besoin de se sentir appréciées pour elles-mêmes et d’apprendre à connaître celui qui leur fera l’amour, celles-là passent au mieux pour une perte de temps, au pire pour des coincées du cul. On notera la poésie de cette expression populaire qui qualifie maintenant toute personne ne montrant pas ostensiblement de l’attrait pour les plaisirs de la sexualité. Le second hic, c’est que dans le cas où l’homme s’attache effectivement, certaines vont finir par se rendre compte que celui-ci ne correspond en rien à ce qu’elles en attendaient et le lâcheront avec plus ou moins de délicatesse.
Penser que l’intimité sexuelle peut favoriser les affinités intellectuelles apporte son lot de désillusions. La progressivité ne met pas à l’abri des échecs, mais elle réduit les risques de déception. Cette fameuse progressivité dans la découverte de l’autre est, normalement, le laps de temps qui caractérise la première phase de séduction. Celle où on passe par les regards, les discussions pour en savoir un peu plus sur l’autre, les allusions, les subtilités, les boutades. C’est une période pendant laquelle on se cherche, on se teste et pendant laquelle la séduction est véritablement un jeu léger et plaisant parce que la notion d’engagement n’existe pas. Elle est aussi celle de la progressivité dans les contacts physiques, du frôlement l’air de rien à la première étreinte.
La durée de cette phase s’est écourtée considérablement aujourd’hui. C’est encore plus vrai avec la vulgarisation des rencontres internet. L’homo webiens cherche un(e) partenaire et il sait que les autres homo webiens présents sur un site de rencontre ont la même quête. A partir de là, se crée une atmosphère où la disponibilité immédiate de l’autre est considérée comme un dû. « Tu es là, c’est que tu cherches aussi, donc ne perdons pas de temps pour savoir si nous nous plaisons ». Dans ce contexte, la première phase de séduction est amputée d’une très grande partie de ses composantes. Dans la vie réelle, les choses sont légèrement différentes mais la vitesse est souvent de mise aussi. Il y a une raison assez simple qui explique ceci. Autrefois « on était avec quelqu’un » à partir du moment où on se fréquentait, on l’était encore plus dès lors qu’on était fiancés. De nos jours, « on est avec quelqu’un » à partir du moment où on a des relations sexuelles avec.
Tant que la frontière n’a pas été franchie, les uns et les autres ont l’impression de n’être rien ou de prendre le risque d’être supplanté par une autre personne plus insistante. Ou encore, d’être le jouet de quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il veut. [suite]
Le sexe est donc, souvent, ce qui constitue le début de la vraie exploration du ou de la partenaire. Il induit une sensation d’intimité trompeuse, érige et forge du même coup une barrière et une chaîne. Cette dernière métaphore suffit à elle seule pour cerner les difficultés qui s’ensuivent.
La séduction se met donc réellement en place qu’après l’accouplement. Or, et sans vouloir faire de généralité, les hommes sont de bien meilleurs séducteurs tant qu’ils n’ont pas atteint ce but. Et pour un peu, on pourrait même dire qu’ils sont normaux, normaux vis-à-vis du comportement des mâles des autres espèces animales. Les femmes, quant à elles, ont un besoin de sécurité et de sécurité affective avérées, autrement dit d’un engagement. Il y a encore quelques décennies, les femmes recevaient des preuves de cet engagement bien avant de former un couple et, de ce fait, la première phase de séduction permettait aux deux partenaires d’atteindre leur but atavique respectif en même temps.
Dans le schéma actuel, l’homme se retrouve avec une partenaire pour combler ses besoins sensuels et sexuels et ne voit pas l’intérêt d’anticiper sur du long terme ; la femme se retrouve avec un partenaire sans savoir s’il est celui qui saura lui donner la sécurité qu’elle recherche, autrement dit sans savoir ce qu’il sera susceptible d’être pour elle à long terme. Elle n’aura alors qu’une envie, celle de rechercher le plus possible la compagnie de son partenaire pour s’en faire connaître, pour apprendre à le connaître, et pour tester leurs affinités. La séduction devient alors pour elle un moyen de susciter les rencontres et de les prolonger. Si l’homme ne lui donne du temps qu’à doses homéopathiques, il la frustrera par rapport à son cheminement. Paradoxalement, si l’homme se montre plus empressé qu’elle, il la frustrera aussi dans ce même cheminement en essayant de raccourcir une phase qui est, pour elle, incompressible.
L’homme, lui, aura plutôt tendance à apprécier de plus en plus la compagnie de sa partenaire sans chercher plus loin, voire de prendre l’habitude de sa compagnie tout simplement. La notion d’habitude est une notion importante chez l’homme car elle est en relation avec celle du confort au sens propre du terme : ensemble de commodités qui rendent la vie quotidienne plus agréable. En général, il aura, de par son fonctionnement, essuyé moins de frustrations au début de la relation puisqu’il est moins demandeur. S’il en vit trop, la relation naissante n’est pas confortable et il aura tendance à la remettre en question rapidement. A l'inverse, si la femme est trop intrusive, elle ébranle une mécanique de confort où elle n’a pas encore pas sa place.
Evidemment, tout cela est beaucoup plus complexe et nuancé. Les femmes jonglent aussi entre des horaires de travail et leur propre confort aujourd’hui. La sécurité physique n’est plus liée au compagnon, les prédateurs naturels ayant disparus et la société ayant mis en place des moyens permettant de réduire les risques d’agression. La sécurité affective est elle d’actualité, elle a remplacé la sécurité tout court.
Et il ne suffit pas de respecter le rythme de l’autre pour faire durer une relation. La notion de confort inclut le mot agréable et ce qui est agréable, selon la définition du dictionnaire, procure du plaisir, est charmant et attrayant. Plaisir, charme et attirance, voilà trois mots qui vont bien avec le celui de la séduction. (à suivre…)
Par Jesabeth
Le 09 décembre 2005 à 13:28
Jérémiades
Commenter ne nuit pas à la santé
Commentaires
par jlb, le Vendredi 9 Décembre 2005, 14:08
par Jesabeth, le Vendredi 9 Décembre 2005, 15:21
par labosonic, le Samedi 10 Décembre 2005, 00:33
par Jesabeth, le Samedi 10 Décembre 2005, 10:01
par labosonic, le Samedi 10 Décembre 2005, 13:25
par Jesabeth, le Samedi 10 Décembre 2005, 14:36
par fred, le Mercredi 18 Janvier 2006, 00:42
par Jesabeth, le Dimanche 22 Janvier 2006, 16:26