[lire la 1ère partie] Ce mode de vie où la séduction est toujours omniprésente a également un impact sur nos ressentis face aux dégradations qu’imposent le temps ou la sédentarité. Les cheveux blancs, les rides, le surpoids, les seins qui tombent, les veines apparentes, la perte de cheveux, la cellulite, le manque d’abdominaux, des traits disgracieux… sont tous considérés comme des ennemis de la capacité de séduction. Mais on les oubliera plus facilement si on est en couple que si on est célibataire. A moins que notre compagnon ou que notre compagne n’ait tendance à lorgner, en notre présence, vers des personnes ne présentant pas ces imperfections. Et justement la société occidentale nous incite à regarder ailleurs, nous injecte les virus puis nous propose les vaccins. L’injection des virus se fait à grand renfort de présentations visuelles d’êtres humains triés selon des critères morphologiques et esthétiques, maquillés par des professionnels et dont les photographies sont majoritairement retouchées numériquement. Elle se fait également grâce des messages et des articles ne permettant pas l’oubli. Pour les vaccins proposés, ils sont constitués de produits et de services destinés à rehausser notre pouvoir de séduction via notre apparence. C’est bien de se soucier de son apparence, ça l’est moins de se sentir obligé de s’en soucier à un point tel que ça devient générateur de contraintes.
Sommes-nous toujours nous-mêmes quand nous en arrivons là ?

Un des autres aspects généré par ce mécanisme de séduction perpétuelle est le suivant. Lorsqu’on vit en couple, l’autre perd peu à peu son statut d’indicateur de notre degré de séduction. Cela ne date pas d’hier. Ce qui date d’hier par contre c’est la généralisation du besoin de tester ce pouvoir de séduction. L’emploi du mot « généralisation » n’est pas fortuit. Parce qu’on peut se demander si tout ça est vraiment généré par la mutation du comportement des individus, mutation créée elle-même par les changement sociaux, ou si ce n’est pas plus plutôt, et uniquement, les changements sociaux qui sont en cause. Retournons plus loin dans le passé et intéressons-nous au mode de vie de la noblesse. On y retrouve un goût prononcé pour le paraître vestimentaire, les fards, les perruques, les festivités où l’on peut se montrer, les intrigues amoureuses, les amants, les maîtresses. Autrement dit un goût prononcé pour la séduction. L’antiquité, avec ses dieux et déesses parfaitement ciselés, faisait également l’apologie du beau et de la séduction.

Qu’avaient en commun les nobles autrefois ? Du temps et un niveau de vie leur permettant d’investir dans le paraître. Aujourd’hui, dans la plupart des pays industrialisés, tout le monde dispose de plus de temps personnel et tout le monde est en mesure de s’acheter un vêtement parce qu’il lui plaît (et non pas parce qu’il est solide) et des produits cosmétiques. Tout le monde peut faire du sport en vue de se dessiner une silhouette appréciée. Tout le monde a accès à l’instruction et peut apprendre à manier un langage plein de nuances, ce qui a également de l’importance dans la séduction. Terminées les douze heures à trimer dans les champs, dans une mine ou des usines.

Mais les similitudes entre les couples nantis d’autrefois et tout ceux d’aujourd’hui s’arrêtent là. Pour la simple raison, qu’à ces époques plus lointaines, les institutions religieuses étaient respectées publiquement et que la morale apparente n’était pas quelque chose avec laquelle on badinait. Même chez les protestants, pour lesquels le divorce était une formalité beaucoup plus simple, peu de personnes s’y risquaient. L’avènement de la contraception a joué un rôle de premier plan, par rapport à la révélation des comportements, en dissociant la sexualité de la maternité. [suite]

Ruptures et divorces étant aujourd’hui monnaie courante, le besoin de se réconforter sur le fait qu’on attire toujours, trouve certainement l’une de ces sources dans l’ombre du célibat qui plane inexorablement. Et ce n’est pas forcément induit par la peur de l’abandon. Plutôt par un réalisme conscient ou non. Autrement dit, même en temps de paix, on s’assure que nos armes fonctionnent toujours. Et cette inspection de l’arsenal est largement facilitée lorsqu’on utilise internet à cette fin. Une facilité bien trompeuse d’ailleurs. Sont évidemment exclus de ce raisonnement, les personnes pour qui séduire est primordial à leur ego. Pour celles-ci, la séduction a une telle importance qu’elle est leur seul moyen d’estimer leur valeur personnelle. Ces personnes auront du mal à comprendre qu’elles ne sont vraiment pas du bon côté des barreaux.

La seconde source de la séduction est plus atavique et renforce l'idée que les règles anciennes n’ont fait que juguler les instincts. Toutes les espèces non domestiquées vivant sur cette planète ne s’agitent que dans un but : faire en sorte que leurs gènes leur survivent. Sachant que ce processus de perpétuation englobe, le plus souvent, la protection des hôtes de ces gènes jusqu’à ce qu’ils puissent assurer eux-mêmes leur survie. Quand les animaux ou les végétaux ne sont plus capables d’assurer cela, ils s’étiolent et meurent. Dans la nature, la séduction tient une place prépondérante. Les fleurs ne sont pas richement colorées pour le plaisir des yeux mais pour attirer les insectes pollinisateurs, les parades aviaires ont pour but de montrer de la beauté et de la vitalité, les défis entre mâles sont destinés à prouver de la puissance et de la résistance physique. L’homme moderne, terme paléontologique englobant les hommes comme les femmes, a atteint une telle maîtrise sur sa vie et sur la transmission de ses gènes, qu’il serait tentant de penser qu’il s’est éloigné de ses instincts de mammifère. C’est faux, la séduction a toujours une connotation d’a[c]couplement, elle est le moyen inconscient de s’assurer que nous ne sommes pas relégués au rang des laissés pour compte dans le grand ballet des espèces.
D’autant que l’être humain a, en développant sa conscience, inventé une autre forme de transmission de son individualité : les souvenirs. Avoir plusieurs partenaires au cours de sa vie, c’est l’assurance qu’un morceau de nous existe dans plusieurs mémoires.

Dans ce malstrom, tiraillés entre l’instinct, le raisonnement et les besoins affectifs profonds, les femmes et les hommes ont du mal à se tenir à des lignes de conduite. Même ceux qui recherchent la stabilité et la sécurité, puisque, souvenez-vous, un compagnon ou une compagne perd peu à peu son statut d’indicateur de notre degré de séduction [Suite du sujet]

 
 

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